Thierry Kieffer : « Mon élément déclencheur ? L’infiniment petit ! »

Si vous n’avez jamais entendu parler de macrophotographie, c’est que vous n’avez jamais discuté avec Thierry Kieffer. Technicien méthodes au sein du Centre d’Assistance à la Maintenance (CAM) et rattaché à l’agence Maintenance Multitechniques de Montauban, celui que l’on surnomme “Monsieur Excel” se distingue par son sens aigu du détail. C’est également ce qui l’anime dans l’exercice de sa passion : révéler à nos yeux ignorants les minuscules êtres vivants qui nous entourent en les immortalisant avec son appareil. Rencontre avec cet artiste-technicien, qui vous ferait presque apprécier la compagnie des araignées.

 

 

Thierry, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la macrophotographie ?

 

C’est une technique de photographie qui consiste à prendre des photos avec un très fort grossissement. On parvient ainsi à prendre en photo des pucerons, par exemple. J’en fais depuis maintenant 5 ans. J’ai toujours été attentif à ce qui nous entoure et ce qui m’intéresse, ce sont les détails qu’on ne peut pas percevoir à l’œil nu. Je peux prendre un cliché d’une araignée mesurant 6 mm et l’avoir en plein cadre à l’image. Mon objectif est de montrer ce que l’on ne pourrait pas voir en temps normal.”

 

Comment êtes-vous tombé dedans ?

 

Je faisais de la plongée en apnée et de la chasse sous-marine, mais je n’en retirais pas de véritable satisfaction. Quel souvenir garde-t-on du poisson que l’on a mangé? C’est pour cela que j’ai acheté mon premier appareil photo et commencé à faire de la photo sous-marine. J’en suis rapidement venu à la macrophotographie sous l’eau et par la suite, je me suis intéressé aux sujets qu’on pouvait aussi trouver sur terre.

En fait, lorsqu’on commence à faire une photo d’araignée sauteuse, on est « mordu ». Elles ont une expression, elles nous regardent et font des mimiques. La dernière que j’ai prise en photo refusait de descendre de mon bras ! Si certaines espèces sont très stressées, d’autres apprécient de passer devant l’objectif, et on a une véritable interaction avec ces modèles.

J’apprécie de parvenir à faire ressortir les petits détails esthétiques sur les insectes. C’est un défi car ils bougent tout le temps.”

 

Qu’est-ce que ça vous apporte au quotidien ?

 

Je fais des séances photo comme certains font des séances de massage. Je suis concentré à 100% et cela fait disparaître tous les soucis… c’est une vraie relaxation. Pour m’évader, je n’ai pas besoin d’aller très loin, il me suffit de sortir dans mon jardin et d’observer n’importe quelle parcelle d’herbe. Il faut juste être patient et bien ouvrir l’œil. Beaucoup de photographes disent que c’est une discipline difficile, mais j’aime le dire « sans difficulté il n’y a pas de gloire ». J’apparente cela à du photoreportage.

Dans le milieu, je suis plutôt qualifié de naturographe, car je ne retraite que très peu mes photos. L’aspect artistique se limite à la façon dont je compose ma photo et fais ressortir certains détails, mais je ne déforme pas la réalité. Chez les insectes les contrastes et les couleurs sont magnifiques au naturel. Je ne cherche pas à aller plus loin dans l’effet waouh.”

 

Comment votre passion cohabite-t-elle avec votre travail ? Qu’est-ce qu’elle vous apporte dans votre métier?

 

Dans mon métier, une grosse partie de mon activité se passe sur les tableurs. Je dois faire preuve de rigueur pour produire les fichiers que je fournis. En photo c’est pareil, il y a une méthodologie à connaître. Tous les jours, j’applique des règles de la même façon dans mon travail, pour simplifier la tâche des utilisateurs finaux. Parallèlement, lorsque je compose mes photos, je facilite la lecture par l’œil du spectateur.

 

Mon travail nécessite rigueur et concentration, ce qu’on retrouve aussi dans la macrophotographie. La plupart du temps j’agis en sniper, je retiens ma respiration, j’essaie d’éviter de trembler pour rester stable. Cela implique de travailler sur soi-même et sur sa capacité à se détendre et se concentrer sur le sujet. Évidemment, je ne fais pas d’apnée en faisant des tableurs mais lorsque je fais des imports dans la GMAO (Gestion de la Maintenance Assistée par Ordinateur), je travaille sur des fichiers dont la taille peut dépasser les 5000 lignes voire beaucoup plus dans certains cas… alors sans discipline et concentration, le fichier ne sera pas exploitable.”

 

Comment s’est passé pour vous ce début d’année 2020, et le confinement ? Est-ce que votre passion vous a aidé dans cette période ?

 

Au plan professionnel j’ai été peu impacté. Je pouvais tout à fait réaliser ma mission en télétravail, car je fais beaucoup de distanciel et de travail par mail. Contrairement aux sportifs j’avais la chance de pouvoir pratiquer la photographie en restant chez moi. Je pouvais donc me vider la tête et sortir de ce quotidien pas toujours évident.

 

Quelles sont vos plus belles réalisations ? (voir photos fournies)

 

«J’ai réussi à photographier une guêpe coucou, c’était un défi technique. La plupart des photos que je fais sont uniques mais celle-ci est réalisée grâce à la méthode du focus stacking, c’est à dire la compilation d’une dizaine de photos. Je déclenche en rafale tout en avançant vers mon sujet. Je cumule ainsi la zone nette de chaque photo et j’ai tous les détails de l’insecte de façon très nette. Je n’utilise pas de trépied donc je fais tout à main levée. C’est d’autant plus difficile car il faut réunir de nombreuses conditions pour que cela fonctionne techniquement. 

Parfois, je fais des recherches entomologiques pour identifier mes sujets. J’ai pris en photo une éphémère et j’ai appris qu’elle vivait seulement durant 24h. En revanche à l’état larvaire, elle vit 3 ans dans l’eau. Le jour où elle sort c’est pour se reproduire, et très peu de temps après elle meurt.

J’ai une page Facebook consacrée à mon activité, et un peu plus de 3800 personnes me suivent. Parmi elles se trouvent des entomologistes professionnels. Certains m’aident pour les identifications. Une fois, j’ai pris une araignée sauteuse que seuls trois photographes ont pu immortaliser dans tout le Sud de la France. Je trouve donc des perles rares et cela fait d’autant plus plaisir. Derrière chez moi se trouve un champ cultivé de façon biologique. On retrouve progressivement des variétés d’insectes qui se réinstallent grâce à l’absence de pesticides. Je suis un témoin de ce changement.

 

Avez-vous des projets pour faire connaître votre passion ?

 

Je devais faire ma première expo au mois de mai mais elle a été annulée. La prochaine est prévue en novembre à la médiathèque de Saint-Nauphary (82) et aura pour thème les demoiselles sous la rosée. Ce sont des photos de toutes petites libellules agrions que j’ai faites avant que le jour se lève pendant que la rosée se dépose sur elles aux alentours de 4h du matin.

Grâce aux réseaux sociaux, des gens me contactent pour obtenir des conseils et j’essaie de trouver des solutions techniques pour eux. Cette notion de transmission et d’apprentissage est très importante pour moi. Leur fierté quand ils réussissent à appliquer mes conseils et faire de belles photos me procure un très grand plaisir. Je fais aussi des tutoriels vidéo pour les aider. Je suis vraiment content de contribuer à leur progression.

C’est finalement aussi ce que je fais avec les techniciens et les chargés d’affaires: ils m’exposent leurs besoins ou leurs soucis et je trouve des solutions pour eux.

 

J’ai toujours été un enfant curieux et j’enregistre tout ce qui m’intéresse, je suis une machine à apprendre. Selon moi, les connaissances sont faites pour être partagées, sinon quel intérêt de les posséder ? Partager son savoir c’est important, il n’y a pas de raison de le garder pour soi.”

 

 

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