Elles bougent : Interview de Nathalie DOUSSET

« Votre vie, c’est comme un tabouret à trois pieds : le pro, le perso, les loisirs… Si l’un des pieds est plus court ou plus long, le tabouret est déséquilibré. Et on finit par tomber. »

Pour Nathalie Dousset, déléguée régionale Midi-Pyrénées pour l’association Elles Bougent et Program Quality Manager chez Airbus, cet équilibre est érigé en art de vivre. Dans le cadre du partenariat noué entre le groupe Fauché et Elles Bougent, nous souhaitions vous présenter cette femme d’action, investie localement pour faire bouger les idées reçues auprès des jeunes filles à propos des métiers scientifiques et techniques.

 

 

Nathalie, pouvez-vous nous expliquer le but de l’association et votre rôle ?

 

Le but d’Elles Bougent est d’amener plus de jeunes filles à se diriger vers les formations et métiers scientifiques et techniques. Nous organisons de nombreuses manifestations avec nos partenaires, des écoles et divers organismes, pour faire découvrir nos métiers et susciter des vocations.

Mon rôle est simple : j’anime la délégation Midi-Pyrénées, c’est la plus grande région de France en superficie, et nous avons environ 500 marraines disséminées dans la région.

J’anime ce réseau de marraines, qui sont des femmes investies pour venir témoigner de leur parcours professionnel dans les domaines scientifiques et techniques. Nous organisons ensemble les événements locaux, des interventions en milieu scolaire en collèges ou lycées. Dans l’enseignement supérieur, nous proposons aussi des conférences sur des sujets comme « les stéréotypes dans le monde du travail ». Le réseau de marraines se mobilise sous forme de groupes de travail, pour trouver de nouvelles idées de sensibilisation et mettre en place tous ces événements. Aujourd’hui, 35% de nos marraines sont actives, contre 10% au début. 50 à 70 nouvelles marraines nous rejoignent tous les ans.

 

En Midi-Pyrénées, nous avons eu l’opportunité de soutenir le lycée français de Madrid pour la mise en place d’un forum des métiers. Nous avons créé un partenariat et une délégation est née en Espagne. La même chose est en train de se faire en Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni. Les problématiques sont les mêmes partout.

 

 

Quel est votre parcours, comment en êtes-vous venue à vous investir pour Elles bougent ?

 

Je suis entrée dans l’association en 2007, 2 ans après le commencement. Au départ l’association n’œuvrait que sur Paris mais, habitant à Toulouse j’avais du mal à venir participer. Nous avons été plusieurs en région à demander la création de délégations afin de délocaliser les événements.

 

La délégation Midi-Pyrénées a presque 7 ans. Nous étions 4 au départ, et avons décidé de créer un bureau, avec à sa tête une déléguée, et de faire les choses de manière collégiale. Nous occupons le poste de déléguée à tour de rôle, car la charge de travail est importante. Je suis la 3e déléguée depuis la création.

 

Je me suis investie car j’avais vraiment conscience de cette disparité et des inégalités de genre au sein des formations scientifiques et techniques. Dans les métiers de l’industrie notamment, l’on voit très peu de femmes. Ce qui m’a plu dans l’association Elles Bougent, c’est le fait qu’on n’est pas marraine d’une personne au départ. Suite aux sensibilisations, aux rencontres faites, des liens se créent plus naturellement, parce que les jeunes filles manifestent un intérêt pour un métier ou une formation en particulier.

 

 

Quels sont selon vous les stéréotypes les plus « résistants » et que faut-il faire pour les combattre ?

 

Il y a 20 ans on commençait à parler de parité au travail, et les entreprises ont voulu recruter des femmes à tour de bras. Mais il n’y avait pas ou très peu de CV féminins dans les métiers scientifiques et techniques. C’est en grande partie dû au fait que les filles ne connaissent pas les opportunités qui leurs sont offertes. Les stéréotypes qu’elles ont intégrés ne les incitent pas à aller chercher dans ces voies.

Nous intégrons tous des stéréotypes. Néanmoins on a tendance à dire aux filles que plus tard, elles pourront être maîtresses d’école ou infirmières. On ne leur dit jamais qu’elles pourraient être astronautes, médecins ou techniciennes. Et donc, inconsciemment elles se dirigent vers le paramédical, l’enseignement, …

Avec Elles Bougent, nous combattons ces stéréotypes en leur montrant qu’en tant que femmes on peut très bien aller travailler sur des moteurs d’avions, concevoir des capteurs pour l’automobile, en racontant ce que l’on fait tous les jours.

Mais il faut aussi informer les parents et les professeurs à ce propos. Je suis effarée de voir à quel point certains enseignants peuvent entretenir ces stéréotypes, juste par manque de connaissance.

Il y a aussi des idées reçues sur nos métiers, notamment celui d’ingénieur. Les jeunes que nous rencontrons sont persuadées que nous travaillons 15h par jour et que nous n’avons pas de vie…

Nous parlons aussi des études techniques, par exemple des BTS. Là aussi il faut présenter des métiers en expliquant qu’aucun n’est masculin ou féminin. L’une de nos marraines travaille chez Orange, en tant que technicienne d’installation de la fibre. Elle est encore stupéfaite de voir les réactions des particuliers chez qui elle intervient, et tout autant des jeunes à qui elle présente son métier…

 

 

Elles Bougent intervient dès le collège. Pourquoi est-il primordial de sensibiliser à ces problématiques dès le plus jeune âge ?

 

Il faudrait même pouvoir commencer au primaire, mais nous n’avons pas les moyens de le faire aujourd’hui. Tous ces stéréotypes sont ancrés dès l’enfance, bien que des signes montrent maintenant que cela change. Une loi vient d’être publiée pour interdire le classement « garçon-fille » dans les catalogues de jouets de Noël… il était temps.

Mais il existe encore des livres comme « quand je serai grande / quand je serai grand », qui sont stupéfiants. La collection fille présente des livres roses et évidemment ils sont bleus pour les garçons…  à la lecture des métiers, les garçons peuvent devenir pilotes, astronautes, médecins, alors que les filles ont le choix entre princesses, infirmières (et pas médecin) ou maîtresses d’école.

 

Depuis maintenant 12 ans que vous êtes investie, avez-vous vu des changements ?

 

En 12 ans, je constate quand même qu’il y a une évolution, et que l’on voit un peu plus de femmes dans nos métiers. En revanche, les questions que se posent les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas du tout les mêmes que lorsque je faisais mes études.

Ma préoccupation à l’époque c’était d’avoir un boulot à tout prix. Maintenant, les jeunes aspirent à avoir une vie épanouie et un plutôt un travail à côté, pour pouvoir vivre. Mais surtout, ils ne souhaitent pas mettre leur vie personnelle de côté pour une carrière.

 

Enfin, je suis ravie de l’impact que peuvent avoir des associations comme la nôtre.

J’ai croisé à mes débuts des lycéennes, qu’on a motivées à faire des formations techniques. Elles sont devenues marraines aujourd’hui, donc on voit que ça porte ses fruits.

 

 

Elles Bougent et le groupe Fauché sont partenaires. Quelles actions allez-vous mener ensemble ?

 

C’est un engagement mutuel, pour sensibiliser. D’un côté, le groupe Fauché s’engage à laisser les femmes de l’entreprise s’inscrire en tant que marraines et prendre part à nos activités. De notre côté, nous allons organiser des événements avec eux pour faire connaitre leur entreprise et leurs métiers.

Les marraines Fauché vont participer à nos événements et aux interventions scolaires, mais elles pourront aussi organiser une journée portes ouvertes, avec notre aide, et nous solliciterons les établissements situés à proximité pour faire participer un maximum de jeunes femmes.

Le groupe pourra aussi prendre part aux journées thématiques que nous organisons. Je pense notamment à faire une journée de l’énergie, lors de laquelle Fauché pourrait proposer des ateliers autour de ses métiers.

 

Une dernière question, par curiosité, n’y a-t-il que des femmes investies dans Elles Bougent ?

 

Non, il y a aussi des hommes. Par exemple, en région Picardie et à La Réunion, les délégués régionaux sont 2 hommes. Ils ne font pas d’interventions de présentation, car nous avons constaté que dans ce cas, il n’y a jamais d’identification de la part des jeunes femmes. Mais ils sont extrêmement actifs au sein de l’organisation, pour mettre en place des événements.